Pourquoi nous intéressons nous aux vers litaniques?
L’histoire du vers litanique remonte à très longtemps. Il reflète certains aspects d’une ontologie primitive, tels que la conception du monde selon laquelle les êtres singuliers sont toujours identiques et que, de cette façon, l’homme prend conscience de leur symétrisme.
Cependant, dans la poésie européenne il a pris des fonctions et des significations nouvelles qui deviennent considérables pour les chercheurs dans les domaines de la sémantique de genres littéraires et des formes versificatoires, de la poétique comparée; pour ceux qui s’intéressent au processus de l’émergence de l’identité européenne, y compris l’histoire des nations, nationalités et minorités; qui s’intéressent également à la tradition biblique et liturgique en littérature, à la réinterprétation des textes sacrés, et aux partages et transferts d’héritages européens. Il peut intéresser plus largement des chercheurs qui travaillent sur la spiritualité et privilégient une approche comparée des littératures européennes.
Qu’est-ce que l’analyse de vers litanique peut nous apprendre?
D’une part, le principe de poésie litanique repose dans une plus large mesure sur la répétition syntaxique plutôt que sur la répétition phonologique. En conséquence, du Moyen Âge aux temps modernes, le vers litanique est facilement transférable, indépendamment des barrières linguistiques. On peut le donc indiquer comme la convention poétique commune pour toute l’Europe.
D’autre part, le vers litanique a été originairement formé dans la poésie religieuse et l’histoire de la religion a contribué à son développement. Il a été utilisé au sein de la tradition byzantine dans l’Hymne «acathiste». Les litanies deviennent fréquentes dans l’Église catholique. Dans les autres confessions, la prière litanique n’a pas joué qu’un rôle mineur.
Cela permet d’y voir non seulement les échos de la sémantique religieuse, mais aussi les conséquences des divisions: entre les religions et entre certains courants d’Église, entre les pays et les nations qui habitaient ces pays. Il faut aussi mentionner que, dans chaque pays, les diversités des traditions orales et populaires ont ouvert la voie à l’accueil des formes de vers litanique de manières diverses.
En conséquence, la perspective historique des types de vers litanique se transpose sur la carte de l’identité culturelle comme processus dynamique et multidimensionnel des régions européennes.
Les aires de répartition du vers litanique
La plus grande partie de poésie litanique a été créé dans la littérature française. Un peu moins – dans l’écriture italienne. Dans les îles Britanniques, l’usage de forme litanique devient un signe éloquent des conflits politiques et des controverses religieuses. Dans les Balkans, les types variés de vers litanique sont le résultat de la rencontre des influences de l’Église d’Occident et des Églises d’Orient. Dans la littérature polonaise, il semble manifester l’appartenance à la culture occidentale ainsi que dans la littérature russe qui en devient son écho. Il y a peu de vers litanique dans les pays où régnait le luthéranisme à l’exception de la poésie sous l’influence du piétisme qui n’a pas renoncé à utiliser cette forme. Aussi surprenant que cela puisse paraître, il n’existait pas un grand intérêt vis-à-vis de la poésie litanique dans la Péninsule Ibérique – cette tendance peut être liée au diffèrent modèle de folklore préhistorique sur ce territoire.
Quels sont les auteurs européens de vers litaniques?
Parmi plusieurs: Théodore Agrippa d’Aubigné, Angelus Silesius, Charles Baudelaire, Joachim du Bellay, Gonzalo de Berceo, Alexandre Blok, Boccace, Khristo Botev, Peire Cardenal, Geoffrey Chaucer, Paul Claudel, Gabrielle de Coignard, Gautier de Coinci, Colomba d’Iona, John Donne, Thomas Stearns Eliot, Paul Éluard, George Herbert, Jefimija, Clément d’Ohrid, Friedrich Gottlieb Klopstock, Maria Konopnicka, Laza Kostić, Jules Laforgue, John Lydgate, Marius Victorinus, Adam Mickiewicz, Cyprian Kamil Norwid, Pétrarque, Christine de Pisan, Georges Rodenbach, Romain le Mélode, Pierre de Ronsard, Philip Sidney, Bianco da Siena, Christopher Smart, Robert Southwell, Edmund Spenser, Gaspara Stampa, Wisława Szymborska, Jacopone da Todi, Jan Twardowski, Venance Fortunat, Gavril Stefanović Venclović, Charles Wesley, Thomas Wyatt et beaucoup d’autres.
Quel a été l’horizon temporel du projet?
La période dans laquelle s’inscrit notre projet a été limitée du Moyen Âge au XIXe siècle. Le projet s’est achevé en 2019.